J.M. Weston « Les égarés »

Chaque saison, les collections de chaussures s’articulent autour d’un choix de modèles qui concentrent des analyses et des sentiments complexes. Elles doivent devancer les désirs d’une foule de marcheurs qui souhaite trouver chaussure à son pied et parfois en modifier l’allure par une forme ou une couleur de cuir. Ces collections sont aussi le résultat d’une inspiration, mélange d’air du temps et de respect patrimonial pour les œuvres produites par le passé.

Au sein de ce comité de nouveaux modèles où se joue une compétition bienveillante, il en est certains qui sont recalés au premier regard. La subjectivité ou la considération technique entrent en jeu quand bien même ces prototypes ont déjà la dignité d’une paire de chaussures prête à l’usage.

Ces « Égarés » continuent une vie de solitude, rangés dans des boites dans la manufacture même. Le mutisme dans lequel ils sont destinés laissent peu d’espoir pour les réhabiliter. Leur statut d’ébauche les confine dans les rayons obscurs des sous-sols. Ostracisés pour une simple nuance de couleur, une hauteur de semelle malvenue, ces modèles se révèlent parfois avec innocence et fraicheur, des semaines, des mois ou des années plus tard. Hier considérés comme des brouillons, ils apparaissent de nouveau avec le charme des didascalies en marge des pages, comme les annotations ou les dessins préparatoires à une œuvre.

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