La Tannerie Bastin & Fils
Unique chausseur à posséder sa propre tannerie végétale de cuir à semelle, la manufacture attend que le temps fasse son devoir à Saint-Léonard-de-Noblat, au coeur de la Tannerie Bastin. C’est ici, à quelques kilomètres de Limoges, que la peau deviendra cuir. À la faveur de techniques ancestrales, la nature, aidée de l’homme, donnera là le meilleur d’elle-même. Des semelles de cuir hors du temps
Ainsi pourrait-on dessiner la topographie de la Tannerie Bastin. Fondée en 1806, cette institution du cuir a rejoint le giron de J.M. Weston en 1981, et produit en exclusivité le cuir à semelle des chaussures de la manufacture. La Tannerie Bastin se singularise par ses méthodes ancestrales de tannage végétal, qui confèrent une résistance inégalée au cuir et donnent aux chaussures leur caractère d’exception. La peau suit ici un long parcours, jalonné d’étapes, où la nature, le temps et l’artisan œuvrent conjointement.
Eloge de la lenteur et du geste rare, la Tannerie Bastin perpétue un savoir-faire manuel, éloigné de toute considération industrielle.
Au commencement, il y a l’élevage. Absolument attentionné. Pour obtenir des peaux bovines ni trop fines ni trop épaisses, à peine griffées par les branches des buissons ou les barrières de l’enclos. Puis il y a la sélection des peaux. Forcément drastique. Seul le croupon, la partie centrale la plus dure de la peau, est utilisé – car le flanc est trop souple, le collet trop ridé. C’est l’oeil expert de l’acheteur en peaux qui sait lire les qualités et les défauts, c’est lui qui écarte, choisit, décèle le potentiel d’un futur cuir…
Cette matière de première qualité arrive ensuite à la Tannerie Bastin, où va s’opérer un véritable travail d’alchimiste, transformant la peau, encore fragile, en un cuir solide.
Tout d’abord, il faut faire place nette : lavage et dégraissage des peaux sont indispensables. Celles-ci sont enfermées dans le foulon, sorte de gros tambour en bois dans lequel est introduit un mélange de sulfure de sodium et de chaux éteinte, afin de préparer la matière à recevoir les tannins. A leur sortie du foulon, les peaux gonflées d’eau sont surnommées « wet blue » pour leur faux-air de mollusques à reflets bleutés. Puis, le rouleau de l’écharneuse enlève les surplus graisseux et un second passage au foulon permet de les déchauler.
Le tannage peut alors commencer. Les peaux sont tendues sur des cadres et plongées dans des bains successifs, de plus en plus concentrés en tans. Ceux– ci sont constitués de farine de châtaigne d’Italie ou de quebracho d’Amérique latine, les seuls tans autorisés par J.M. Weston pour cette opération délicate.
Le tannage se poursuit ensuite par la mise en fosse. Les peaux sont empilées les unes sur les autres dans des cuves à ciel ouvert. Entre chaque couche, un lit d’écorce de chêne broyé est déposé, à la manière d’un millefeuille. On y ajoute de l’eau avant de laisser les tannins agir, entre huit et dix mois. Le temps prend alors possession de la matière.
Cette étape dite « de basserie » dure quarante jours, pendant lesquels les tannins vont progressivement se fixer sur la peau et la rendre imputrescible.
Derniers beaux jours de l’automne, épaisse neige de l’hiver, premiers bourgeons du printemps… Les peaux dorment sous terre jusqu’á leur sortie au grand air. A cet instant précis, elles seront devenues cuir. Magie du tannage. Commencent alors divers traitements qui assureront au cuir sa plus belle allure. Il est essoré, étiré, massé á l’huile de foie de morue pour le nourrir et l’assouplir, puis il est mis à sécher.
L’instant est venu des dernières finitions. Pour resserrer ses fibres et le rendre plus résistant, le cuir est battu au marteau pilon. En rythme, le coeur de la Tannerie tonne d’un bruit sourd. Puis, le cuir est satiné, grainé et pigmenté.
Il est passé en revue par des yeux exercés, qui repèrent et écartent le moindre défaut, la plus petite imperfection. Le cuir quitte alors la Tannerie Bastin, prêt pour une nouvelle vie : marcher á vos côtés.